Affichage: Liberté d’expression en danger!

Affichage: Liberté d’expression en danger!

Lors des votations du 11 mars, la nouvelle loi genevoise sur les
«procédés de réclame» a
été adoptée, à 55%, par les votant-e-s.
Seules trois communes genevoises ont refusé cette loi et la
ville de Genève n’en fait malheureusement pas partie,
malgré le vote négatif des quartiers populaires.

Il est regrettable que ce soit un discours réduisant
l’affichage libre au rang de saletés ou d’immondices
qui ait réussi à l’emporter.

Esthètes à claques…

Les arguments de la droite se sont en effet largement réduits
à des considérations prétendument
esthétiques. Comme en témoigne le commentaire de Nathalie
Hardyn, directrice adjointe de la Chambre de commerce et
vice-présidente du parti libéral, lorsqu’elle a
déclaré le soir des résultats: «C’est
un OUI à la beauté de Genève».

Une «beauté» que ne déparent
évidemment pas, à ses yeux, les publicités
payantes de telle ou telle multinationale qui cherche à fourguer
ses produits, ou les placards gigantesques que le parti des banquiers
et des régisseurs peut se payer à chaque élection
pour faire son autopromotion. Pour ces gens-là,
esthétique rime en effet avec… fric!

Et l’hypocrisie est une règle dans ces milieux, un Pierre
Maudet par exemple, chef de file radical en Ville et grand pourfendeur
de l’affichage «sauvage», se prononce dans le
même esprit pour l’interdiction de la mendicité en
Ville… Plus à droite que Hans-Rudolf Merz, il veut par
ailleurs qu’on liquide le seul impôt fédéral
progressif, mesure qui constituerait un cadeau massif aux riches et une
pression écrasante pour de coupes sur les prestations aux plus
démunis.

…et censure par le fric

Face à l’argument «massue» du fric-roi, nos
préoccupations concernant la liberté d’expression
et d’information par et pour toutes et tous et évoquant
les menaces que cette loi fait peser sur les milieux culturels,
syndicaux, associatifs et alternatifs, sont sans doute malheureusement
plus que fondées.

En effet, la nouvelle loi donne un pouvoir de censure important aux
communes, quant au contenu des affiches, et ne les contraint pas
à mettre des espaces d’affichage libre à
disposition. Juridiquement, c’est un outil permettant
d’étouffer des voix dérangeantes, d’une part
en condamnant les éditeurs d’affiches et non plus les
colleurs d’affiches eux-mêmes et, d’autre part, en
modifiant la nature des amendes qui deviennent pénales, donc
inscrites au casier judiciaire.

Un combat qui continue

Dans ce contexte, le comité unitaire, qui a lancé le
référendum, continuera à s’engager pour que
les voix alternatives, culturelles, associatives et syndicales,
puissent toujours se faire entendre. Il se battra pour que les communes
offrent rapidement des espaces d’affichage et dénoncera
systématiquement toute dérive d’application de
cette loi, sur le montant des amendes par exemple.

Ce comité saura rappeler aux partisans de la loi leurs
«promesses» faites durant la campagne. En effet, ils
n’ont cessé de prétendre qu’elle ne
changerait rien pour les associations à but non lucratif…
Le conseiller d’Etat Robert Cramer a également
affirmé que la pratique en ce qui concerne ces associations ne
changerait pas et, qu’une fois revenu à la vie civile, il
pourrait même en être à nouveau l’avocat en la
matière. Un paradoxe lorsque l’on sait que cette loi
découle d’un «plan propreté», dont il
est l’instigateur et qui n’accorde aucun poids à
l’affiche comme support indispensable de la liberté
d’opinion.

Le climat politique actuel est délétère pour les
libertés publiques: des syndicalistes sont poursuivis et
amendés, l’association Rhino est dissoute, des manifs sont
soumises à des restrictions inacceptables… Avec cette loi,
nous avons perdu une bataille… mais le combat continue!

Marie-Eve Tedejor